8 décembre 2021 /

Rédigé par Frédérique Josse

Pourquoi la construction hors-site est-elle l’alliée naturelle de l’économie circulaire dans le bâtiment ?

Et si on recyclait nos modules ? Si le hors-site devenait la pierre angulaire de l’économie circulaire, dans le secteur méga polluant du bâtiment ? Et si le modulaire réinventait la façon de penser le bâti, en imaginant pas une, mais plusieurs vies à chaque nouvelle construction ? Toutes ces interrogations sont loin d’être juste des hypothèses. Explications.

alliée naturelle de l'économie circulaire
alliée naturelle de l'économie circulaire
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La construction industrialisée Hors-Site peut réduire l’impact environnemental du bâtiment.

En termes d’impact sur l’environnement, c’est peu dire que le bâtiment est le vilain canard de la classe. En France, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), la construction produit environ 260 millions de tonnes de déchets par an… dont 220 millions proviennent des travaux publics et 40 du bâtiment. Dans la lutte si actuelle et nécessaire pour la préservation de l’environnement, le hors-site peut et doit jouer un rôle. Certes, il le fait déjà en utilisant massivement des matériaux biosourcés, en favorisant l’utilisation du bois et en construisant des logements bas-carbone, tout en réduisant les déchets et en permettant, en usine, de mieux gérer les matériaux et les déchets.

Mais le hors-site agit aussi dans l’après construction : il recycle ses modules, pour leur offrir une deuxième, voire une troisième vie. C’est même la raison d’être de la société Deltamod, fondée et codirigée par Pierre Visonneau. Novatrice, cette entreprise de réemploi de modules achète et loue des bâtiments d’occasion, qu’elle démonte dans son usine de la banlieue de Nantes, pour les remettre à niveau. Objectif ? Leur offrir une seconde vie, soit en modifiant leur usage, soit en les ré-utilisant pour un autre chantier, à destination des industriels et des collectivités. Depuis peu, dans cette logique d’allonger au maximum la durée de vie du bâti, Deltamod propose aussi à ses clients une maintenance curative et préventive de ses constructions d’un nouveau genre.

Le réemploi est la seconde nature de la construction modulaire Hors-Site.

“Le réemploi, c’est moins de déchets, moins d’émissions de carbone, moins de dépenses et un chantier moins long.”

Le réemploi serait-il l’avenir du modulaire ? Sa typologie particulière sous forme de blocs indépendants à assembler est en effet intéressante sur le plan pratique, contrairement au béton “qui fige une forme”. Mais aussi sur le plan économique -chantier moins long et moins coûteux- et environnemental -moins de déchets, moins d’émissions de carbone, explique Guillaume Hannoun, fondateur de l’agence Moon architectures.

“La société évolue, peut-on passer à côté ? Fait-on du jetable ou du réutilisable et transformable ?", interroge l’architecte, qui a construit, en 2015, un logement d’hébergement d’urgence dans le 16è arrondissement de Paris, pour l’association Aurore.

“Nous sommes dans une société liquide, dans laquelle tout est en mouvement, rien n’est immuable.”

Si “le réemploi ne concerne pas que Le bon coin”, pour reprendre la formule amusante de Pierre Visonneau, ce n’est pas que pour des raisons environnementales. Cela correspond aussi, explique Guillaume Hannoun, à l’évolution de notre vie moderne, basée sur un flux incessant de mobilité et de vitesse, comme l’explique le sociologue et philosophe britannico-polonais Zygmunt Bauman. “Nous nous sommes beaucoup intéressés à son concept de “société liquide”, dans laquelle rien n’est immuable, tout est toujours en mouvement… On ne fait plus toute sa carrière dans la même société. Les grandes entreprises sont challengées par les start-up…Bref, les choses évoluent de plus en plus vite”.

Pierre Visoneau pense aussi qu’il est nécessaire de faire évoluer les mentalités : “il faut modifier la façon de penser le constructif, qui n’est pas fait pour un seul projet. Notre métier, c’est justement de trouver des solutions techniques et économiques à des clients qui n’auraient pas pensé à l’occasion. Nous voulons structurer et professionnaliser une filière d’occasion pour proposer le reconditionnement de modules sur tout le territoire français, auprès de toutes les marques et de tous les secteurs”.

“Il y a deux solutions : prévoir une réversibilité sur place ou transporter le bâtiment, le désassembler et le récupérer pour un autre usage”.

Pierre Visonnneau

Pierre Visonneau

Directeur Général de Deltamod

Comment fonctionne le recyclage de bâtiments modulaires ?

Mais comment ce recyclage fonctionne-t-il concrètement ? Pour Guillaume Hannoun, même si “on a peu de recul sur cet aspect encore confidentiel du hors-site”, il existe plusieurs solutions. On peut utiliser des containers maritimes dernier voyage, ce qui est déjà une première approche du réemploi ! Pour aller plus loin, on peut aussi prévoir une réversibilité sur place, grâce à une conception Hors Site adaptée et basée notamment sur un système constructif de poteaux poutres qui permet un plan libre. On peut ainsi ouvrir des cloisons pour transformer par exemple des logements de type T1 en logements familiaux T2, T3 ou T4 . Ou bien transporter le bâtiment sur un autre site pour pouvoir le ré-assembler en conservant son usage et sa programmation originelle. Ces deux axes peuvent également s’hybrider et les projets développés par l’agence peuvent tout autant se déplacer, se déconstruire que se transformer.

Bien sûr il reste la question des normes, pour mettre à jour le bâtiment, par ajout de matière (isolant thermique ou acoustique) ou en modifiant les systèmes (chauffage, ventilation, etc…). Cela permet de garantir in fine, le réemploi du bâtiment, totalement ou partiellement, pour un même usage ou pour un autre.

Mais quels types de bâtis peuvent être transformés ? Tout, considère Pierre Visonneau, du logement étudiant au logement social, en passant par les crèches, les lycées, les résidences familiales… Une solution intéressante selon Guillaume Hannoun, “car on peut faire beaucoup de choses avec le bois ou le métal, plus rapidement et avec des qualités acoustiques excellentes, une structure particulièrement robuste et des finitions très intéressantes”.

Une véritable filière du reconditionnement peut-elle émerger ? Oui, si l’on communique suffisamment sur ce nouveau modèle vertueux de l’économie circulaire. 1 million de m² sont aujourd’hui construits en bâtiment modulaire durable. Le marché du réemploi en 2020 correspond à 5% soit 50 000 mètres carrés, selon Pierre Visonneau, qui a livré un centre d’hébergement d’urgence de 5500 mètres carrés issu de modules recyclés. Et s’il faut encore professionnaliser le secteur, le virage semble désormais amorcé. “ Avec le Covid, il y a eu une véritable prise de conscience des enjeux environnementaux, notamment sur la nécessité de privilégier l’upcycling. On sent que quelque chose se passe”.

Guillaume Hannoun

Guillaume Hannoun

Fondateur de Moon Architectures

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